Ce projet s’inscrit dans un imaginaire fort et propre au Québec, boulevard des Forges. Entre contes et légendes, avec l’environnement qui arpente la rivière St-Maurice, le projet devient lui-même une pièce de fonderie articulée autour des caractéristiques propres au site.
Si le maître fondeur était le chef d’orchestre dans l’opération des forges, l’architecte est ici l’artisan-forgeron de la résidence. Inspirée du monde industriel imagé et poétique, la maison est sculptée et moulée afin de répondre soucieusement aux dénivelés topographiques. Aux percées visuelles, au respect du couvert végétal et finalement, aux courbes – méandres – de cette même rivière, source de l’imaginaire autour des forges.
C’est par une allée d’accès privée de 265 mètres qu’elle se dévoile peu à peu à travers les immenses pins une forme noire, inusitée. À mesure qu’on approche, la vision se précise. La résidence des Forges se découvre, on y entre de plain-pied à l’étage inférieur, côté forêt.
Entre imaginaire et praticité
L’étage supérieur se détache du sol en suivant les courbes de la rivière Saint-Maurice. La Résidence des Forges est implantée à la limite de la zone d’érosion de la falaise, perchée à 55 mètres de hauteur. Le secteur présente plusieurs défis. D’abord du point de vue de la réglementation municipale, mais aussi en raison de la topographie du terrain. Situé aux abords d’une zone de forte pente, le site ne permet pas la construction de bâtiment près de la falaise. Ainsi pour pouvoir profiter de la vue, la nouvelle construction devra se faire en suivant le profil de la falaise à 20 mètres de distance. Cette contrainte particulière du site a permis de générer cette forme tentaculaire, unique au projet.
La Résidence des Forges est constituée de trois ailes déposées sur un basilaire en pierres naturelles. Chacune des ailes est portée par une structure principale d’acier et une structure secondaire en caissons de bois, volontairement exprimée. Cette dernière s’entrecroise au cœur du projet. Pour mettre en scène un espace ouvert où un escalier monumental vole la vedette.
Un choix de matériaux astucieux
Le choix d’un revêtement de planches d’épinette noires s’est imposé pour sa neutralité visuelle. L’ensemble crée un volume inusité qui se détache de l’horizon. Il correspond à l’effet souhaité par les concepteurs, dès les premières esquisses. L’intention était d’offrir à l’approche des lieux le spectacle d’un objet mystérieux, suspendu au milieu des arbres et en dialogue avec les courbes de la rivière Saint-Maurice. L’étage supérieur semble flotter. Les aires de vie se projettent en porte-à-faux et viennent cadrer les vues sur les paysages environnants.
L’idée était que le prisme se fonde dans la nature. Et qu’une grande place soit laissée à la texture de la pierre naturelle qui recouvre le basilaire. Le plafond est recouvert de lattes de cèdre sans nœud. Créant un contraste chaud et doux avec le revêtement extérieur noir. Le plafond de cèdre se poursuit à l’extérieur dans la pièce moustiquaire, accentuant l’effet de transparence.
Une maison à trois ailes
L’entrée se fait par un espace extérieur couvert, à l’abri des intempéries, arqué sur les quatre faces. Ces arches sont formellement inspirées des forges du Saint-Maurice. Et font écho aux méthodes traditionnelles de mise en place de la maçonnerie de pierres naturelles. L’une d’elles, la porte d’entrée en bois massif et en verre, donne sur le cœur de la résidence, là où convergent les trois ailes. Le programme est relativement simple mais efficace. Les aires de vie et les appartements des maîtres se retrouvent à l’étage. Ceux des invités, de la famille en visite, en plus des garages et des espaces techniques se retrouvent au rez-de-chaussée.
Le parement de pierres naturelles nuancées se retrouve à l’intérieur. Il traverse l’espace double hauteur pour recouvrir le bloc fermé qui sépare les deux aires ouvertes à l’étage. L’escalier danse autour des luminaires suspendus en cascade et invite à l’ascension vers les aires de vie à l’étage. Au-delà de la cuisine, au boudoir, un foyer au bois dans un massif de pierres apaise l’espace et offre une chaleur contrastante aux matériaux bruts que sont le béton, l’acier et le verre. Cet espace à la fenestration généreuse offre une vue imprenable sur la rivière Saint-Maurice et communique avec une grande terrasse. Celle-ci est soutenue par une structure d’acier en forme de ‘’V’’. L’escalier extérieur suit délicatement l’une de ces membrures. Et mène directement au niveau du sol, à un espace détente extérieur couvert.
Cette résidence contemporaine s’inscrit de façon respectueuse dans le panorama de la rivière Saint-Maurice. Elle démontre que les contraintes du site ainsi que le patrimoine culturel et l’imaginaire du lieu peuvent servir de base à l’élaboration d’un concept fort et générer une architecture de qualité sensible à son environnement.
Architectes Bourgeois / Lechasseur architectes
Crédits photos Adrien Williams
Auteur : Claire Pélissier
Date de publication : 20 juillet 2023
Date de la dernière mise à jour : 13 juin 2023