L’ouvrage Je ne suis pas une femme architecte, je suis architecte fait la part belle aux réalisations conçues par des femmes. Un puissant manifeste sous forme d’hommage.
Je ne suis pas une femme architecte, je suis architecte (Breaking Ground. Architecture by Women), Éditions Phaidon, 2019, 224 pages, 40 € cover Phaidon
L’éloquence du titre français, tiré d’une remarque de l’architecte danoise Dorte Mandrup, pourrait presque se passer d’explication. Mais ici le Dr. Jane Hall, fondatrice du collectif londonien Assemble, fait un état des lieux du métier d’architecte et de la place des femmes qui se sont longtemps vu refuser l’accès aux écoles dédiées. Elle répertorie, sur plus d’un siècle, les 180 plus belles oeuvres de 150 bâtisseuses à travers le monde. Si certaines ont réussi à s’affranchir de leurs homologues masculins, comme Lina Bo Bardi, Zaha Hadid et Itsuko Hasegawa, beaucoup d’entre elles ont été reléguées au second plan, voire aux oubliettes. Jane Hall fait réparation. Bâtiments, centres culturels, résidences privées, logements-foyers, gratte-ciel… tout y est, sur 224 pages, avec leurs noms classés par ordre alphabétique et accompagnés de courtes bio et de photographies grandioses.
Source impressionnante
Ce répertoire de référence n’a pas vocation à faire la lumière sur les « femmes architectes », mais sur l’architecture signée par des femmes. Une nuance de taille qui donne l’occasion à l’autrice de dénoncer ce sexisme ambiant, en exposant leur travail non genré. Car elles sont nombreuses à avoir vu leurs travaux éclipsés par leurs conjoints, associés et maîtres. À l’exemple de Lu Wenyu « oubliée » lors de la remise du prix Pritzker à son partenaire et mari Wang Shu, qui a insisté pour l’y associer. Ou encore de Jane Drew qui a mené de front pendant trois ans l’urbanisation de Chandigarh en Inde, largement attribué à Le Corbusier. La liste de Hall est longue. « On dit que derrière chaque grand homme se cache une femme surprise. Aujourd’hui, ne serait-ce pas : « derrière chaque grande femme se cache un homme en colère ? », a formulé avec clairvoyance Madelon Vriesendorp, épouse de Rem Koolhaas. C’est sans doute là que le bât blesse et l’une des quotes qui ponctuent ce panorama mondial, révélatrices d’un système cloisonné et dévolu à une vieille garde masculine. À travers ce témoignage photographique, Jane Hall montre surtout que le genre n’a rien à voir avec l’excellence en architecture.
Amale Andraos – WORKac Museum Garage, Miami, Florida, USA, 2018 – Photo Miguel de Guzman
Judith Edelman, Edelman Sultan Knox Wood / Architects, Sinai Reform Temple, Bay Shore, New York, USA, 1964 – Photo Edelman Sultan Knox Wood / Architects LLP
Denise Scott Brown, Venturi, Scott Brown & Associates, Franklin Court, Philadelphia, Pennsylvania, USA, 1976 – Credit Courtesy of Venturi Scott Brown and Associates, Inc.
Eleena Jamil, Eleena Jamil Architect, Bamboo Playhouse, Kuala Lumpur, Malaysia, 2015 – Photo Marc Tey
Lina Bo Bardi, Sao Paulo Museum of Art, Sa?o Paulo, Brazil, 1968
Spela Videcnik, OFIS Architects, Football Stadium Arena, Borisov, Belarus, 2014 – Credit Tomaz Gregoricpage
Patricia Patkau, Patkau Architects, Hadaway House, Whistler, British Columbia, Canada, 2013. Credit James Dow / Patkau Architects
Texte Nathalie Dassa
Auteur : Nathalie Dassa
Date de publication : 31 janvier 2020
Date de la dernière mise à jour : 12 août 2024