L’Écologie d’intérieur®, vous connaissez ? Marie @larrangeuse est spécialiste en la matière et pour cause, c’est elle qui a créé ce concept ! Une philosophie tournée vers l’essentiel, et dont la doctrine principale est de vivre mieux avec moins. Plus qu’un principe de décoration, c’est un art de vivre, de consommer autrement. Avec une approche singulière et fondée sur les sciences, Marie Quéru nous amène à percevoir les objets autrement. Conseils, découvertes… Bienvenue dans son univers et place à une perception différente de nos intérieurs.
Crédits photos : Agathe Tissier pour Sloft Magazine
Marie Quéru, pourrais-tu nous raconter brièvement ton parcours ? Pourquoi et comment la déco a pris cette place dans ta vie ?
Je suis scientifique de formation, ingénieure. Je suis littéralement passionnée par le vivant, la biologie et à l’origine je souhaitais être paléoanthropologue, faire des fouilles pour comprendre nos origines en tant qu’êtres humains. J’ai travaillé dans des labos, orienté mes stages là-dedans, mais à un moment, j’ai eu un doute… J’ai eu peur de m’enfermer dans « une niche » et de ne pas m’y sentir bien tout au long d’une carrière. Alors j’ai décidé de rencontrer des personnes faisant ce métier pour leur faire parler de leur vie quotidienne : Henry de Lumley qui est un excellent paléoanthropologue, mais aussi Yves Coppens qui a découvert le squelette de l’australopithèque de Lucy… Et j’ai compris que cette voie serait incompatible avec mon caractère, une vie de famille… Tout ce dont j’avais envie.
Du coup j’ai procédé un peu par élimination pour me réorienter et je suis allée vers un domaine demandant autant de créativité que de rigueur (ce qui me caractérise bien !) : le marketing. J’ai fait un troisième cycle à l’ESSEC et ai entamé ma carrière dans le marketing. Pendant des années, j’ai étudié les comportements de consommation pour conseiller les marques dans leurs stratégies de design ; c’est là que j’ai réalisé que beaucoup d’entre elles créaient du besoin là où il n’y en a pas !
Au final, ma formation en biologie + mon expérience professionnelle + mon amour du vivant et de la nature… Tout m’a littéralement conduit fin 2019, à créer L’Arrangeuse où j’accompagne les gens à vivre mieux avec moins ! Le puzzle que j’ai constitué pendant des années, semble enfin prendre forme !
Qu’est-ce que l’Écologie d’intérieur® exactement et pourquoi être allée vers ce principe ?
C’est justement par passion pour les sciences que j’en suis arrivée là. De par mon parcours scientifique, j’essaye d’apporter un éclairage nouveau vis-à-vis du rapport à l’objet. Beaucoup de personnes peuvent parler de méthodes de rangement ; on peut tous s’organiser pour ranger dans telle ou telle boîte… En revanche, expliquer la manière dont notre rapport à l’objet est impacté par la physiologie de notre cerveau, c’est mon créneau ! Et c’est là que j’interviens.
Mon univers va plus loin que la déco, je dirais que c’est le beau. On part d’une situation de mal-être, de pollution visuelle, mentale et environnementale et on tend à débloquer, à améliorer les choses. Et si ça amène les gens (et c’est souvent le cas), à revoir leur manière de consommer, pour moi c’est une énorme satisfaction.
Ma mission secrète est vraiment de rendre le durable désirable !
Toi et ta petite famille, vivez dans un appartement au cœur de Paris que tu as entièrement repensé selon ta philosophie. Comment qualifierais-tu le style de ton intérieur aujourd’hui ? Et qu’est-ce qui te plaît le plus chez toi ?
Je dirais que j’ai un intérieur essentialiste ! Ma philosophie est de faire la place aux vivants et pas aux choses matérielles. Je souhaite utiliser l’espace pour ce qui compte le plus. Nous vivons à 4 + 1 chat dans un peu moins de 60m2 et le sentiment d’espace est pourtant très fort ! J’ai voulu créer quelque chose de beau, mais aussi ultra fonctionnel ! Et pour moi, l’un ne va pas sans l’autre : si ça n’est que pratique, ça devient très ennuyeux visuellement et si ça n’est pas fonctionnel, l’organisation ne peut pas durer dans le temps.
Je ne me définis pas comme étant minimaliste, car je trouve que ce terme amène à la notion de privation. J’ai une passion pour les verres, la céramique, j’ai plus de verres que mon réel besoin (donc pas du tout minimaliste :) ), mais pour moi, les verres sont un essentiel car ils me procurent du bien-être ! La liste des essentiels est très personnelle au final. Et tout n’est pas essentiel ! Il faut vraiment être sincère envers soi-même pour savoir ce qui nous procure cette réelle sensation de bien-être.
Tout se fait discret chez toi. Beaucoup de blanc, des pièces camouflées, électroménager invisible… Où as-tu trouvé l’inspiration ? As-tu été conseillée ?
Je fais des recherches photos, des moodboards ; je voulais un peu l’esthétique d’un hôtel. Suite à cela, j’ai contacté plusieurs architectes, puis j’ai choisi la personne dont le discours était le plus proche de ma philosophie : Clémence Murat basée à Aix-en-Provence. On s’est challengées mutuellement. On a mis des miroirs sur les bords de fenêtre pour accentuer le sentiment d’espace, on a caché l’électroménager sous une planche coulissante pour pouvoir y accéder très facilement, ou encore le four derrière des portes escamotables. À son contact, j’ai appris beaucoup de choses sur les grands principes d’architecture.
Y a-t-il quelque chose que tu aimerais encore changer ?
Tout me plaît, car sur les bases de l’Écologie d’intérieur®, nous n’avons chez nous, que nos essentiels. Si je devais être totalement honnête, c’est vrai que je ne dirais pas non à quelques mètres carrés supplémentaires, car mes deux enfants sont ensemble dans une petite chambre. Mais encore une fois, si j’avais de la place en plus, elle serait dédiée aux vivants et non aux objets.
Si tu devais citer les fondamentaux de l’Écologie d’intérieur®, ce serait ?
Je pars du principe que l’on subit quotidiennement une triple pollution : la visuelle (celle de nos espaces avec une accumulation qui vient heurter notre regard), la mentale (là où les objets et les choses quotidiennes immatérielles que l’on s’impose viennent créer un épuisement mental suivi d’un épuisement physique), la pollution environnementale que l’on ne décrit plus.
Je viens répondre à cette pollution grâce à un protocole en 5 étapes qui est le cycle de l’Écologie d’intérieur® ; il repose sur trois grands piliers : le beau, le pratique et le durable.
- À la pollution visuelle, on oppose le beau : on recherche le beau pour la personne, car le beau est différent pour chacun. L’idée n’est pas de forcément de vivre dans du blanc, du beige. On va simplement trouver ce qui est beau selon la personne.
- À la pollution mentale on oppose le pratique : on va rendre notre quotidien plus facile.
- À la pollution environnementale on oppose le durable à la fois dans les matériaux que l’on choisi et les objets que l’on achète. On arrête d’être dans une consommation de l’instant, du jetable. Et quand je dis « jetable », je ne pense pas forcément plastique ou papier. On peut avoir un comportement « jetable » avec sa tasse à café : on reprend une nouvelle tasse à chaque fois que l’on reprend un café dans la journée et au final, le soir on fait tourner un lave-vaisselle !
Une fois que l’on a mis tout ça en place, il suffit de vivre selon ses trois principes de vie en se demandant si ce que l’on fait / ce que l’on achète est beau, pratique et durable. Et même si l’on n’est pas bon à chaque niveau, ça nous permet de rester dans cet art de vivre qui nous convient et nous rend heureux.
Nous sommes dans une société de surconsommation, d’accumulation. On est donc aux antipodes de ta philosophie.
En effet, quand on achète un objet, on se sent bien pendant quelques minutes, ce sentiment est dû à notre cerveau. Mais au final le bien-être est éphémère et ça crée plutôt de la frustration. C’est le même principe qu’une drogue : en achetant on sollicite la fibre et pour ressentir le même niveau de plaisir ensuite, il faut solliciter encore plus fort. Toujours plus, toujours plus gros, toujours, toujours, toujours… ! Cette ère de consommation rapide ne remplit pas notre besoin profond de plaisir et de bonheur, on fait fausse route.
C’est excellent pour l’économie certes, mais extrêmement dommageable pour les limites des ressources de la planète et pour notre bien-être à nous !
Par quoi faut-il commencer pour épurer selon toi ? Si tu avais un conseil à donner à nos lecteurs pour commencer à aller vers l’Ecologie d’intérieur® ?
Je dirais qu’il faut commencer par trier et attention, je ne dis pas « ranger », je dis bien « trier ». Acheter des boîtes pour ranger aggraverait tout simplement le problème au final : pour éradiquer un trop plein, on achèterait de nouvelles choses…
Du coup, il faut faire sa sélection des essentiels, savoir ce que l’on garde ou pas. Et ça, même si ça paraît facile, c’est en fait très difficile….
Chaque objet est impacté par le facteur familial (avoir l’impression que l’on n’est pas loyal envers la famille si l’on se sépare de tel ou tel objet), le facteur culturel (la société nous fait croire que plus on a d’objets, plus on est heureux) et le facteur physiologique (la manière dont notre cerveau a été formaté pendant des années d’évolution pour nous faire conserver les objets). On se comporte toujours comme si nos objets allaient assurer notre survie (c’était en effet le cas il y a très très longtemps dans un milieu hostile) et l’on garde beaucoup trop d’objets à cause de notre cerveau.
Pour trier, il faut débrancher son cerveau !
Mon critère absolu est de dire : s’il y a un doute, il n’y a plus de doute ! Dès lors que l’on doute, c’est que l’on écoute son cerveau qui fait tout pour nous faire conserver l’objet alors que l’on en n’a pas besoin.
Côté aménagement, y a-t-il des matériaux à privilégier pour allier beau, pratique et durable?
Les matériaux nobles, non transformés : le bois, le verre, le métal. Moins on transforme un matériau, mieux c’est ! C’est finalement du bon sens. Moins il y a de colle ou autres adjuvants, plus c’est bon pour nous et notre environnement !
La minute « très déco » de Marie
Quel est ton « indispensable » déco ?
La simplicité ! Simplifier au maximum et c’est loin d’être facile. Quand on recherche l’épure ou le simple dans un magasin, on est souvent confronté à des difficultés. Pour ma table par exemple, je voulais un plateau épais, des pieds légèrement en biais… J’ai cherché, cherché et même en acceptant de mettre le prix, je ne trouvais pas. J’ai fini par la dessiner et la faire faire !
Quand tu veux gommer les choses superficielles ou inesthétiques, ça implique de manière quasi systématique, d’aller vers du sur-mesure.
Un lieu déco incontournable selon toi ?
Pour moi un lieu déco incontournable c’est un lieu beau, pratique et durable :) Très difficile à trouver ! Evidemment il y a des lieux que j’aime bien, mais ça n’est pas représentatif de ma philosophie. J’adore le Bon Marché par exemple, pourtant c’est un temple de la consommation. Cependant, ils ont une approche très esthétique des choses je trouve. Ils ont revalorisé le bâtiment, l’histoire, tout en le rendant très moderne. J’aime m’y promener, mais je n’achète pas forcément.
Un site internet déco incontournable ? (Conseils ou autre)
Le visuel est important pour moi, donc je vais aller sur Instagram, Pinterest ou autre, mais je ne vais pas suivre une personne en particulier, je regarde vraiment de manière globale.
Un livre qui t’inspire et t’aide au quotidien pour être bien chez toi ?
J’ai évidemment lu Dominique Loreau, Marie Kondo et ce furent des révélations. Pas des révélations dans le sens « j’ai appris des choses », mais plutôt pour réaliser que ce que je fais de manière innée peut aider les autres. Et du coup, je suis en pleine préparation de mon livre ! Il sortira en octobre 2022 :)
Ton dernier coup de coeur déco et pourquoi ? (un matériau, un objet de créateur, etc.)
J’adore la céramique. J’ai acheté 3 vases dernièrement au Conran Shop. Quand je regarde ces objets, le temps s’arrête, ça me créé un sentiment d’apaisement. Et quand il se passe quelque chose comme ça avec un objet, je considère que c’est un vrai coup de cœur.
Auteur : Claire Pélissier
Date de publication : 1 juin 2022
Date de la dernière mise à jour : 22 mars 2023